L’abbé de Pradt fut le premier à la décrire au tout début du XIXe siècle. C’est vers 1860 que le vocable « Ferrandaise », parmi beaucoup d’autres, a commencé à s’imposer […] mais ce n’est qu’en 1889 que la race est reconnue en tant que race pure. La race a eu beaucoup de peine à être admise car ses robes « bigarrées », avec autant d’animaux pie-noire que pie-rouge, semblaient être un indice d’impureté et d’imperfection à une époque où l’uniformité du type était considérée comme l’idéal de la sélection. La race fut à son apogée entre les deux guerres. Elle comptait 80 000 vaches (ou près de 200 000 têtes) et faisait l’objet d’un commerce important […].
Après la guerre, bien qu’amoindrie, la race comptait encore plusieurs milliers de sujets. Le déclin s’accéléra au début des années 1960 à cause des campagnes de prophylaxie et l’abandon de la traction animale. Il y a aussi eu une volonté de réduire le nombre de races. On pensait que certaines d’entre elles étaient attachées à une agriculture du passé et qu’il ne fallait pas disperser les efforts. L’avènement des programmes de sélection incitait à sélectionner les seules races à effectifs importants. On a alors encouragé la fusion de certaines races assez proches (exemple de la Garonnaise, de la Blonde des Pyrénées et du Quercy qui ont donné en 1962, la Blonde d’Aquitaine) et certains souhaitaient aussi que celles ayant les effectifs les plus réduits cessent tout simplement d’exister. Alors que l’insémination artificielle se développait, les taureaux Ferrandais n’y furent pas admis.
Laurent AVON, Institut de l’Elevage
Dans ce contexte de révolution productiviste des systèmes agricoles, la Ferrandaise voit ses meilleurs atouts se retourner contre elle. Ses capacités à l’attelage ne font pas le poids face à la mécanisation croissante de l’agriculture tout comme son caractère de race mixte. Au moment où la production agricole du territoire s’oriente vers la spécialisation laitière, la mixité de la race Ferrandaise, capable de produire à la fois du lait et de la viande, s’avère lui desservir.
Pour sauver la race, à partir de la fin des années 70, début des années 80, il a fallu prospecter sur le terrain pour faire l’inventaire des animaux encore existants. En 1982, le verdict tombe, il ne reste plus que 248 femelles Ferrandaises en France et ce chiffre continue à diminuer jusqu’en 1990 avec 198 femelles inventoriées. La Ferrandaise a perdu 99,8% de sa population en 50 ans.
Pour permettre de sauvegarder ces races menacées de disparition, il fallait surtout que les animaux soient localisés, expertisés et identifiés en cherchant à connaître leur origine. Laurent AVON, technicien à l’Institut de l’Elevage, s’est attelé à cette tâche de longue haleine. Il explique :
Pour la Ferrandaise, quand en 1978 on inventoriait une vache de vingt ans, cela voulait dire qu’elle était née à l’époque où il y avait encore plusieurs milliers de Ferrandaises en Auvergne. Nous avons travaillé sur un échantillon de cheptel qui reflétait ce qu’avait été la race au début des années soixante. De plus, si une vache est conservée jusqu’à 15 ou 20 ans dans un élevage, c’est qu’elle a forcément certaines qualités ! On est donc reparti sur des bases saines, mais le renouvellement des animaux devant permettre le redémarrage a été long car ces bêtes âgées étaient quand même au bout du rouleau.
De plus, dans beaucoup d’élevage, la difficulté pour arriver à maintenir ces races vierges de tout croisement a aussi été le manque de taureaux disponibles. Compte-tenu de la raréfaction du nombre de détenteurs pour une race donnée, les liens entre les éleveurs de ces races s’étaient distendus à tel point que beaucoup ne savait plus où aller chercher des taureaux pour perpétuer leurs élevages sans avoir recours à la consanguinité. D’où l’importance de pouvoir proposer rapidement un certain nombre de taureaux à l’insémination artificielle. Avec les taureaux qui restaient ou que l’on a eu le temps de prélever, on a pu mettre en place de nouveaux géniteurs. Au cours des années 80, il a fallu rajeunir les effectifs avant de prétendre les faire croître au cours des années 2000.
Laurent AVON, Institut de l’Elevage